Les Hommes à la pole/Interview de Vincent Regnault, champion de France 2019

 

Des débuts timides…

 

La pole a longtemps été considérée comme un sport féminin de part ses origines. Il est vrai que les premiers cours de pole dance étaient pour la plupart réservés aux femmes, mais lorsque la pole a commencé à se démocratiser et que les premières compétitions sont apparues avec une catégorie “homme”, on a vu alors quelques hommes pousser la porte des studios de pole dance. La plupart étaient déjà danseurs ou gymnastes et avaient donc moins d’à priori sur la discipline.
Néanmoins cela ne devait pas être facile d’oser franchir la porte d’un studio de pole en tant qu’homme dans un milieu majoritairement féminin, il fallait oser. Il y avait souvent la crainte de “déranger” les autres filles ou de les mettre “mal à l’aise”. Au fur et à mesure, et comme je le disais avec les compétitions, on voit de plus en plus d’hommes venir en cours même si cela reste encore timide.

Nos pionniers français :

Keem Saulnier Martinez, danseur de formation, performer et juge en compétition de pole, champion de France 2009, champion du monde 2012 et vice champion de France 2013.

Keem.S.Martinez, crédit: K.Limmany Photography

Loïc Lebret, un des premiers à enseigner la pole dance et plusieurs fois finaliste de la compétition française. Il est danseur, juge et performer.

Gui Wandresen, champion de France 2013 et plusieurs fois finaliste, un des premiers à se lancer dans la compétition.

Edouard Doye, circassien, il a été soliste au Cirque du Soleil et champion de France de pole 2010.

 

Et aujourd’hui?

 

Depuis, beaucoup d’autres hommes ont eu envie de s’essayer à la pole et la catégorie “homme” en compétition voit son nombre de candidats augmenter au fur et à mesure.
A l’étranger c’est la même chose, on voit de plus en plus d’hommes avec des styles différents se mettre à la pole, du style sexy en talons au style contemporain ou gym.
Beaucoup d’hommes se démarquent notamment dans les pays de l’est par leur style très gymnique et en force. Vous trouverez des vidéos assez incroyables de Dimitry Politov (Russie) par exemple ou encore Alex Shchukin (Ukraine) et encore beaucoup d’autres sur Youtube.

Il existe encore des hommes (et aussi des femmes!) qui gardent de nombreux préjugés sur la discipline: “Les hommes font aussi de la pole ? Nooon !”, il reste encore du chemin à faire, mais du coup ça vaut la peine de prendre le temps d’en parler !

 

Gros plan sur Vincent Regnault:

 

Je suis allée à la rencontre de Vincent, notre champion de France 2019 pour lui poser quelques questions.
Issu des sports de combat, du crossfit et de la musculation, Vincent est passionné par le travail du corps et l’amélioration des performances. S’il a été séduit par les figures très impressionnantes de la pole dance, comme les drapeaux ou les planches, il a également découvert le travail de la souplesse extrême et de l’enchainement en dynamique. Vincent n’a rien à envier aux Russes car il réalise des combos assez incroyables, il est passionné et toujours prêt à s’entrainer et à se dépasser ! Vous pouvez les retrouver chez Dragon Pole dance en Franche-Comté où il enseigne avec sa compagne Emmeline Scachetti, fondatrice du studio.

 

Crédit: Sensitif

 

Quels sports pratiquais-tu avant la pole?

Avant la pole, j’ai pratiqué le judo dans ma jeunesse, jusqu’à la ceinture noire. Je me suis désintéressé à l’époque du judo au profit d’autres sports de combat comme la boxe française et MMA que j’ai pratiqués moins longtemps (2 ans).
A côté, j’étais très assidu et faisait énormément de musculation/Crosstraining (on ne peut pas dire crossfit sachant que je n’étais pas dans une box affiliée mais le principe était exactement le même). Par “assiduité”, j’entends que j’allais à la salle (ou mes entrainements qui, au début, étaient dans mon garage même en hiver^^) 5 à 6 fois dans la semaine avec la nutrition relativement restrictive qui allait avec. J’ai débuté la musculation en 2012-2013 et “arrêté” en 2017 quand la pole a prit une part tellement importante qu’il devenait compliqué d’associer les deux. Mes entrainements étaient déjà ponctués d’une très grande partie d’exercices au poids de corps, rien de sorcier: tractions, relevés de jambes à l’espalier, dips et des exercices à poids comme les squats et soulevés de terre.

Comment a commencé ton histoire d’Amour avec la pole?

A la salle de sport où je m’entrainais, Emmeline donnait des cours de pole sur un créneau régulier. Ce fut rapidement un coup de foudre sportif, notamment pour les perspectives de compétitions, mais aussi humain.
Emmeline a su susciter mon intérêt pour cette discipline via des “tricks rigolos” puis rapidement je me suis pris au jeu et j’ai cherché à me perfectionner en vue de compétitions. Au final, je n’ai pas vraiment eu une pratique “loisir” bien que j’aime énormément ce que je fais et l’optique dans lequel je le fais.

Avais-tu des préjugés sur la pole avant de débuter?

Etrangement non, je pense que j’ai été assez réservé lors de mon enfance/adolescence et je ne me suis jamais confronté à ce type d’environnement que ce soit dans les films ou ailleurs. Sur cette question mon esprit était vraiment stérile. J’étais tellement obnubilé par le sport à l’époque, que j’ai juste vu un agrès comme un autre, pour essayer des acrobaties, notamment le drapeau, saint Graal de tout homme essayant X). Quand on m’a dit que la pole faisait penser au strip, alors que je pratiquais déjà, je n’y avais jamais pensé.

As-tu eu du mal à trouver ta place dans ce milieu majoritairement féminin?

Non, étant l’un des seuls hommes à l’école, j’ai toujours eu une “place de petit chouchou”, ce qui n’était pas pour me déplaire !

Quelle est ta figure préférée?

Sur barre statique : Prisé d’élan, montée Ayesha normal grip vers Ayesha flip, il ne s’agit pas d’une figure mais d’un combo de deux figures car je vois la static comme un moyen de faire des combos, transitions, threads (passage de jambe).
Sur barre spinning : Kariatida (dans open dance academy, Olga Trifonova l’appelle ainsi, bien que je l’ai souvent retrouvé sous “Eagle variation”). Une autre de mes figures favorites est le Eagle avec les deux jambes tendues et les mains sur la pole, grip au niveau de la taille. Globalement j’adore toutes les sortes de Needle Scale sur barre (surtout si la jambe supérieure est totalement tendue.
Petit clin d’oeil aussi au ‘Back Flag” aka Nivelada : tenir dos à la pole avec une main dans le dos pour un seul point d’accroche, que j’adore mais dans un style plus musclé.

 

Le “Nivelada”, crédit: Charles évasion sport.

 

Ton point fort et ton point faible à la pole?

Point fort : ma static spin, j’ai pas mal de facilités pour être dynamique et avoir une exécution rapide, ce qui est plutôt utile pour tout ce qui est flips (attention je ne fais aucun vrai flip, que des flips avec des mains sur la barre, Ayesha flip, brass flip etc… Les vrais flips, je les laisse pour les Russes ou quand j’aurai des tapis de gym dignes de ce nom, le jeu n’en vaut pas la chandelle sans tapis). Donc, la static dynamique avec ces flips, regrips et prises d’élan.
Point faible : je vais sûrement faire hurler tout le monde mais selon moi: ma souplesse, (non sans rire!) je me trouve très loin du niveau que j’aimerais avoir en souplesse, la plupart de mes entrainements cette dernière année étaient constitués de 75% de souplesse. Je m’assouplissais 1h voire plus, et à la fin je faisais un petit combo Instagram juste histoire de rester actif sur ce réseau.
Pour moi, mon plus grand frein est ma souplesse donc je la bosse pas mal. Après d’un point de vue plus réaliste et moins personnel : le floorwork hors pole. Notamment toutes les transitions hors barre qui ont également un poids dans la notation des compétitions. Mais petit à petit, ça s’améliore bien que ce n’est clairement pas ce sur quoi je passe le plus de temps… Il faudrait, mais pour l’instant, ce travail est moins passionnant pour moi.

Ta tenue de sport préférée?

Mon short Dragonfly noir (rires). En fait, j’ai un short noir, un gris, un bleu, un nude, je suis certainement pas un grand spécialiste pour cette question. J’aime aussi beaucoup mon jogging Adidas pour les combos “sans accroches”.

Ton morceau de musique idéal pour poler?

Pour de la pole statique vraiment dynamique/regrips délicats : Linkin Park, Rammstein, Rage against the machine, je pense qu’on a compris l’idée ! Sinon en général, j’aime beaucoup les musiques qui me rappellent des choré de poleurs/poleuses connus mais mon coup de coeur du moment reste la musique “To the sky”, de Nomine.

L’endroit où tu aimes sortir?

Le studio de pole ! Non sans rire je ne sors jamais, mes relations sociales se limitent à mes amis poleurs que je vois en studios, ils pourront témoigner. Après plus jeune, j’aimais bien les boîtes de nuit et les squats, mais comme beaucoup d’ados qui se cherchent.

Ton péché mignon?

Le gâteau petit déjeuner Belvita, version brute ou originale, c’est très compliqué pour moi car je fais attention à ma diète. Du coup j’évite d’en acheter, mais si on en prend, le paquet dure deux jours !

Et si tu avais un super pouvoir, quel serait-il?

Si j’avais un super pouvoir, ce serait de pouvoir recommencer ma vie à zero avec les connaissances actuelles acquises, et pouvoir réitérer l’opération à volonté. Pour faire simple, vivre plusieurs vies et en avoir conscience.

 

Crédit: Ame Quetzalame

 

Ton conseil pole dance?

Mon meilleur conseil et aussi le plus terre à terre: training, passer énormément de temps à s’entrainer. Pour moi, la plus grosse des qualités n’est pas le talent mais la persévérance. Comme l’a dit le basketteur Kevin Durand : “Hard work beats talent when talent fails to work hard”.
Mais en plus du travail, je dirais la technique, il faut que l’entraînement soit productif. Par exemple, à quoi ça sert de travailler son dos 5 fois dans la semaine si la technique n’est pas bonne et qu’on a mal au dos à chaque fin de séance ?
Sinon je pense qu’il est intéressant de regarder ce qui se fait du côté du crossfit/muscu/gym en terme d’optimisation de l’entraînement, récupération, nutrition à haut niveau.

What next?

Hum, alors prochainement j’aimerais m’améliorer sur différents points:

 

  • Développer mes compétences d’enseignant et aussi ma renommée et celle de l’école dans laquelle j’enseigne: Dragon Pole dance. J’éprouve un immense plaisir dans l’enseignement de cette discipline donc j’aimerais partager ma vision avec plus d’élèves à terme.
    L’enseignement me paraît être la pierre angulaire de ce sport, notamment quant au sérieux de la discipline. Dans notre ville, nous avons des “professeurs” non formés, n’ayant même pas les écarts et qui enseignent, je ne trouve pas que ce soit une bonne image d’avoir des professeurs non professionnels pour ce sport. Donc à ma minuscule échelle, continuer d’enseigner et me former encore et toujours pour aider à cette image de qualité et de sérieux que doit développer la pole dance, ce qui passe notamment par les workshops.
  • Pour la visibilité et donc l’enseignement, faire plus de compétitions:
    En priorité les championnats du monde POSA qui ont lieu en Italie (novembre 2020) et par la suite j’aimerais bien faire des Pole Art, qui sont à mon sens les compétitions les plus intéressantes. Mon niveau ayant déjà tellement changé depuis un an, il me paraît important de trouver de nouvelles scènes pour créer des nouvelles propositions, notamment avec des combos qui ressemblent peut-être plus à mon style actuel de pole dance.
    J’aimerais notamment faire le Pole Art France s’il a bien de nouveau lieu, Pole Art Italy, c’est pour moi l’un des évènements les plus suivis avec des participants dingues comme Coco Ke Hong, D.Politov, D.Fedotov…Ce serait vraiment arriver dans la cour des grands ! Puis également le Pole Art UK car j’avais bien aimé l’organisation.
    Donc pour récapituler, plus d’enseignement (notamment workshops) et des compétitions, surtout des Pole Art !

 

Merci Vincent ! On te souhaite le meilleur à venir ! Pour suivre ses actus :
Instagram : @vincent_regnault
@dragonpoledance_school

Stéphanie.